Triangle dramatique ou relation toxique ? Mieux comprendre la différence.
- Anne Besure

- 19 mai
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 oct.

Quand les jeux de rôle deviennent piège…
Nous avons parlé, dans les précédents articles, du triangle dramatique de Karpman : ce jeu relationnel où l’on peut sans s’en rendre compte enfiler un costume, Sauveteur, Victime ou Persécuteur, et où les rôles tournent, s’échangent, souvent sans que personne n’en sorte vraiment nourri.
Ces postures sont humaines. Elles peuvent apparaître dans n’importe quelle relation: entre collègues, en famille, en couple…Et tant qu’il y a de la conscience, de l’espace pour dire, pour changer de place, il est possible d’en sortir, d’ajuster, de retrouver une dynamique plus saine.
Mais parfois… ça va plus loin que ça. Parfois, ce n’est plus un jeu de rôles passager: c’est une prise de pouvoir, une mise sous dépendance, une spirale qui enferme.
Et là, on n’est plus dans le triangle dramatique. On entre dans une relation toxique, une dynamique d’emprise psychologique.
Le triangle dramatique: des rôles, pas des chaînes
Dans le triangle dramatique:
Chacun peut prendre l’un des rôles à certains moments (parfois même dans la même conversation!).
Il y a généralement encore une possibilité de recul, de dialogue, de remise en question.
Même si les échanges tournent en rond, l’autre reste libre de dire non, de poser ses limites, de sortir du scénario.
C’est désagréable, répétitif, mais pas nécessairement destructeur.
L’emprise: quand il n’y a plus de sortie.
Dans une relation toxique, on n’est plus dans une maladresse relationnelle. On est dans une stratégie consciente ou inconsciente où l’un cherche à garder l’autre sous contrôle.
Voici des signes qui doivent alerter :
La peur de mal faire, de dire non, d’exprimer son désaccord.
L’impression que quoi que je fasse, ce sera retourné contre moi.
La culpabilisation constante, les reproches systématiques.
L’isolement progressif (on m’éloigne de mes soutiens, de mes proches).
L’humiliation, la dévalorisation répétée.
Le doute permanent de soi : " Est-ce que je suis fou·folle ? Est-ce que c’est vraiment moi le problème? "
Dans cette dynamique, l’autre n’écoute pas, ne se remet pas en question : il ou elle maintient l’inégalité, la peur, la dépendance.
Le triangle peut être utilisé dans l’emprise… mais il ne suffit pas à l’expliquer.
Un manipulateur ou une personne sous emprise narcissique peut très bien jouer avec les rôles du triangle:
Se poser en faux Sauveteur: " Heureusement que je suis là pour toi… "
Devenir Persécuteur: " Tu es incapable sans moi. "
Se faire passer pour Victime: " Avec tout ce que je fais pour toi… "
Mais ici, les rôles ne tournent plus librement. L’un des deux prend tout l’espace, impose le scénario, piège l’autre.
Alors comment savoir où j’en suis?
Quelques questions qui peuvent aider à y voir plus clair :
Est-ce que je peux exprimer mes ressentis, mes désaccords, sans craindre d’être puni·e, humilié·e, abandonné·e ?
Est-ce que l’autre accepte de se remettre en question, d’entendre mes limites ?
Est-ce que je me sens libre de dire non, de faire des choix qui me conviennent ?
Ou bien suis-je dans la peur, le doute de moi, l’isolement, la culpabilité permanente ?
Parce que reconnaître, c’est aussi commencer à se protéger.
Le triangle dramatique parle de scénarios dans lesquels on peut tous glisser, par automatisme, par fatigue, par peur, par habitude. Mais quand la peur devient un mode de communication, quand l’autre utilise la culpabilité, l’humiliation ou l’isolement comme des leviers de contrôle, alors on n’est plus dans un jeu relationnel. On est dans une spirale de destruction.
Et cela demande d’autres réponses : du soutien extérieur, parfois de l’accompagnement, parfois de couper les liens pour se préserver.
🎭 Rôles, emprise… et liberté intérieure.
Se repérer dans ces dynamiques, c’est déjà commencer à respirer un peu autrement. C’est s’offrir un espace intérieur dans lequel je peux me regarder sans me juger, observer sans m’enfermer, ressentir sans forcément réagir.
C’est pouvoir dire, avec honnêteté:" Là, je me reconnais dans un rôle… mais j’ai la possibilité d’en sortir. "
Et parfois aussi:" Là, ce n’est plus un simple jeu de rôles. C’est devenu toxique. C’est dangereux pour moi. J’ai besoin d’aide. "
Car il n’y a pas de honte à avoir porté ces rôles, ni à les porter encore. Souvent, ils ont été les meilleures réponses possibles dans un moment donné de notre histoire. Mais il est toujours possible, pas à pas, parfois avec du soutien, de se redonner le droit de choisir autrement.
Parce que le vrai chemin, ce n’est pas celui de la perfection, ni celui du contrôle absolu de nos réactions. Le vrai chemin, c’est celui qui nous ramène à la liberté intérieure:
La liberté de dire oui ou non,
La liberté de rester ou de partir,
La liberté de répondre autrement… même si c’est imparfait, même si c’est fragile.
Et cette liberté là, elle ne se conquiert pas par la force. Elle se tisse avec douceur, conscience, et souvent… beaucoup de tendresse pour ce que l’on a traversé.
Le triangle dramatique ne se joue pas seulement dans nos relations avec les autres. Il peut aussi prendre place à l’intérieur de soi, dans nos pensées, nos jugements, nos efforts pour tenir.
Dans le prochain article, je propose d’explorer ce triangle intérieur, souvent plus subtil, mais tout aussi épuisant, et de découvrir comment s’en dégager avec douceur.
Chaleureusement,
Anne
Note : Le triangle dramatique a été proposé à l’origine par Stephen Karpman. Ce que je partage ici est une lecture personnelle, pour aider à mieux comprendre ce qui se joue en soi ou dans les relations.



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