Quand le triangle dramatique s’invite dans la dépendance.
- Anne Besure

- 11 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juil.

Dans la pratique quotidienne d’accompagnement, une réalité revient de plus en plus souvent :
de nombreuses personnes, tous âges confondus, expriment une forme de manque de liberté intérieure, souvent mêlée à de la culpabilité, face à une dépendance, qu’il s’agisse d’écrans, de sucre, d’alcool, de cannabis, ou d’autres échappatoires.
Comprendre autrement notre lien à une substance.
On pense souvent la dépendance comme une question de volonté :
“Pourquoi je recommence ?”, “Pourquoi je n’arrive pas à arrêter alors que je sais que ça me fait du mal ?”
Mais ce regard est incomplet, et parfois injuste.
Car derrière une dépendance, même douce, même “socialement tolérée”, il y a souvent une dynamique bien plus profonde: un scénario intérieur.
Quand le triangle s’invite dans la dépendance.
Dans une relation de dépendance à une substance (comme le vin, mais aussi le sucre, les écrans, etc.), les trois rôles du triangle dramatique peuvent se rejouer… à l’intérieur d’une même personne, à différents moments. Et parfois, c’est même la substance elle-même qui semble incarner tour à tour chacun de ces rôles.
L'exemple du vin comme Sauveteur: le réconfort du soir.
En fin de journée, le verre de vin peut apparaître comme un Sauveteur: il détend, il pose un voile sur la fatigue, il crée une parenthèse douce. Il donne l’illusion d’un relâchement, d’un petit répit.
Le but n’est pas de “boire pour boire”, mais de trouver un espace où souffler, un instant de calme dans le tumulte.
Le vin comme Persécuteur: la boucle de la honte
Mais très vite, ce même vin peut se retourner. Le corps devient lourd, la tête saturée, et la voix intérieure se met à juger: “Encore ? Tu n’as donc aucune volonté ? Tu recommences toujours.”
Ce qui avait apporté un apaisement temporaire devient source de culpabilité, de rejet, d’auto-condamnation. Le Sauveteur devient Persécuteur.
La personne comme Victime: prise dans la boucle.
Face à ce retournement, un sentiment d’impuissance émerge: “Je ne comprends pas pourquoi je recommence. Je me sens bloqué.e. J’ai honte.”
La position de Victime s’installe. Et souvent, pour apaiser ce malaise… un nouveau verre est versé. Et la boucle se referme.
Sortir du triangle ne se fait pas par la force.
Ce triangle intérieur n’est pas une preuve de faiblesse ni un manque de volonté. C’est un mécanisme de survie, parfois mis en place depuis longtemps.
On n’en sort pas à coups de force ou d’injonctions. On en sort en reconnaissant les rôles, en les regardant avec honnêteté, et en s’ouvrant à une quatrième voie.
L’Observateur : ce point de bascule
L’Observateur n’est pas un rôle du triangle. C’est une position intérieure, un espace de recul.
Une présence lucide, sans jugement ni tentative de réparation.
L’Observateur regarde avec bienveillance, et peut dire: “Je vois que tu es fatigué. Je vois que tu fais de ton mieux. Tu cherches à soulager une douleur. Ce n’est pas une faute. C’est un appel.”
C’est cette part en soi qui commence à se réveiller. Celle qui ne veut plus réagir depuis le triangle. Celle qui peut commencer à choisir un autre chemin, même tout petit.
Et si… ?
Et si un autre réconfort était possible ?
Et s’il existait un lieu en soi où apaiser la tension sans se faire du mal ?
Et si l’on pouvait tomber sans se juger, se relever sans se forcer ?
C’est là que naît la vraie sortie du triangle.
Pas dans le contrôle. Mais dans un changement de regard.
Et maintenant ?
Si ce triangle intérieur résonne, il n’est pas nécessaire de vouloir tout changer d’un coup.
Il est possible de commencer par regarder avec honnêteté, et un peu de tendresse.
Nommer les rôles.
Observer les mouvements intérieurs.
Écrire, ressentir.
Et écouter, doucement, la voix du sage en soi.
Celui ou celle qui dit simplement :“Tu peux construire une autre relation avec toi. Ce n’est pas un combat. C’est un passage.”
Dans le prochain article, il sera question de ce qui se joue en amont de la dépendance: ces manques, ces blessures silencieuses, ces élans profonds qui cherchent un apaisement.
Chaleureusement,
Anne
🌿 À bientôt pour la suite !
Note : Le triangle dramatique a été proposé à l’origine par Stephen Karpman. Ce que je partage ici est une lecture personnelle, pour aider à mieux comprendre ce qui se joue en soi ou dans les relations.



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