Triangle dramatique et théorie polyvagale: une lecture du corps et du lien.
- Anne Besure

- 9 juin
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 oct.

Et si nos rôles relationnels, Victime, Sauveteur, Persécuteur, parlaient autant de notre histoire que de notre système nerveux ? Ce que je propose ici, c’est une lecture personnelle, née de ma pratique et de mes rencontres, qui croise deux grilles de lecture: le triangle dramatique de Karpman, et la théorie polyvagale de Stephen Porges. Cette traversée entre psychologie et physiologie permet d’aborder nos automatismes relationnels non pas comme des erreurs ou des failles, mais comme des réponses de survie profondément ancrées.
👉 Cet article fait suite à une première exploration du système nerveux autonome et de ses états de survie, à retrouver ici :🔗 Vivre ou survivre : ce que raconte le système nerveux
Quand on entre dans le triangle…sans s’en rendre compte.
Le triangle dramatique décrit trois positions que l’on adopte souvent inconsciemment :
la Victime, qui se sent impuissante;
le Persécuteur, qui attaque ou contrôle;
le Sauveteur, qui veut aider à tout prix.
Ces rôles sont mouvants: on peut passer de l’un à l’autre, parfois en une seule conversation. Ils ont tous en commun d’être une manière, maladroite mais humaine, de garder le lien ou de tenter d’en retrouver un. Et ce que la théorie polyvagale nous montre, c’est que ces postures sont aussi liées à l’état de notre système nerveux autonome, qui pilote nos réponses face au stress, à la peur, au manque de sécurité.
La Victime : quand tout se fige à l’intérieur.
État nerveux : activation du nerf vague dorsal.
La posture de la Victime, souvent jugée comme " faible " ou " passive ", peut en réalité refléter un figement profond du corps et de l’esprit. Dans cet état, le système nerveux déclenche une forme d’arrêt interne: le corps ralentit, l’élan disparaît, tout semble trop lourd. C’est une stratégie de survie archaïque, comme celle d’un animal qui se fige face à un danger trop grand pour fuir ou combattre.
On peut se sentir submergé·e, isolé·e, sans force ni voix. C’est un état, pas un choix.
Le Persécuteur : quand l’agressivité cache la peur.
État nerveux : activation du système sympathique.
Le Persécuteur paraît fort, tranchant, sûr de soi. Mais bien souvent, cette posture cache une grande insécurité intérieure. Le système nerveux, en alerte, choisit la voie du combat: critiquer, imposer, dominer devient une façon de se protéger. Sous la colère, il y a presque toujours de la peur ou du chagrin qui n’a pas pu être entendu.
Ce n’est pas « méchanceté », c’est une tentative (maladroite) de reprendre le contrôle dans un monde perçu comme menaçant.
Le Sauveteur : quand aider devient une fuite.
État nerveux : mobilisation sans vraie sécurité.
Le Sauveteur semble fort, altruiste, toujours là pour les autres. Mais cette mobilisation constante peut cacher une fuite de soi-même. Quand aider devient compulsif, que l’on s’oublie pour sauver, c’est souvent que l’on n’arrive plus à se sentir vivant sans l’autre. Le lien à l’autre devient un moyen d’éviter son propre vide ou sa propre douleur.
Être utile pour ne pas ressentir le manque, c’est une autre forme de survie.
Sortir du triangle: retrouver un ancrage dans le lien.
Il existe un quatrième état, souvent oublié : celui du vagal ventral. C’est l’état de sécurité intérieure, celui où le corps est détendu, le cœur ouvert, la pensée claire. On peut être en lien sans se perdre, poser des limites sans attaquer, écouter sans se dissoudre.
Dans le triangle, cela correspond à une posture que j’aime appeler l’Observateur, ou le Sage. Celui ou celle qui reste présent·e, lucide, relié·e, mais sans se laisser happer.
Une nouvelle manière de regarder nos rôles.
Croiser le triangle dramatique avec la théorie polyvagale, c’est nous inviter à plus de douceur envers nous-mêmes. Ces rôles ne sont pas des défauts à corriger, mais des réponses de survie qui ont eu, à un moment donné, une fonction vitale. En les reconnaissant, en apprenant à sentir dans notre corps ce qui se passe, on peut petit à petit sortir du pilotage automatique… et choisir des liens plus libres, plus vivants.
Dans le prochain article, nous verrons comment le triangle dramatique peut aussi s’inviter dans les dynamiques de dépendance… et quelques pistes pour en sortir pas à pas.
Chaleureusement,
Anne
Note : Le triangle dramatique a été proposé à l’origine par Stephen Karpman. Ce que je partage ici est une lecture personnelle, pour aider à mieux comprendre ce qui se joue en soi ou dans les relations.



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